LE DROIT DE SUITE AU CANADA


Informations pour les artistes en arts visuels en vue de l’adoption du Droit de suite sur la revente des œuvres artistiques.

Le Droit de suite est le droit d’un artiste, ou des héritiers d’un artiste, de bénéficier des ventes des œuvres sur les marchés secondaires, c’est-à-dire, lorsqu’une œuvre est vendue et achetée après sa vente originale par l’artiste.  Le Droit est souhaité comme une source de revenus pour les artistes qui dépendent de leur pratique pour vivre.  Le Droit de suite est bien connu parmi les artistes des nombreux pays où il est établi.  Le Canada n’a pas encore adopté le Droit de suite. 

Vous pourrez appuyer l’effort de faire établir le Droit de suite au Canada en écrivant à votre Député, en parlant du Droit avec toute personne intéressée, et avec de l’appui financier.  Veuillez visiter les sites web de CARFAC National et du RAAV pour les nouvelles et pour les outils d’appui.

Voici une Foire aux questions concernant le Droit de suite pour les artistes en arts visuels.

  • Qu’est-ce que le Droit de suite sur la revente des œuvres artistiques ?

    Le Droit de suite sur la revente des œuvres artistiques, ou simplement Droit de suite, autorise un artiste à recevoir un pourcentage du prix d’une œuvre lorsque celle-ci est revendue après que l’artiste l’ait vendue une première fois.

    Par exemple, l’artiste Marcel Barbeau avait vendue son œuvre Ouvri à très bas prix dans les années cinquante, L’œuvre a été revendue en 2008 au montant de 88 000 $. Si le Droit de suite avait été appliqué à 5%, M. Barbeau aurait reçu 3 520 $ en assumant qu’une commission de 20% eut été retenue pour les frais d’administration d’une société de gestion. Sans le Droit de suite, l’artiste n’a pas pu bénéficier de l’accroissement de la valeur de son œuvre.

  • Que sont CARFAC et le RAAV et pourquoi militent-elles pour l'adoption du Droit de suite ?

    Canadian Artists’ Representation / Le Front des artistes canadiens (CARFAC), est l’association professionnelle canadienne des artistes en arts visuels. Le Regroupement des Artistes en arts visuels du Québec (RAAV) est l’association professionnelle qui représente les intérêts des artistes en arts visuels du Québec. Les deux associations sont partenaires dans la défense et la promotion des droits légaux et économiques des artistes en arts visuels au Québec et au Canada.

    Le Droit de suite est une source de revenu qui n’est pas disponible pour les artistes d’ici parce qu’il n’est pas encore intégré dans la loi. En mai 2013, M. Scott Simms, député libéral fédéral, a déposé le Projet de loi C-516 qui propose l’ajout du Droit de suite à la Loi sur le droit d’auteur.  Le Droit de suite existe dans plusieurs pays et les artistes canadiens doivent avoir ce droit pour pouvoir profiter des reventes de leurs œuvres effectuées dans ces pays.

    Les artistes sont invités à suivre la progression du dossier de l’adoption du Droit de suite et à joindre leurs voix à celles du RAAV et de CARFAC.

  • Qui bénéficiera du Droit de suite ?

    Alors que l’ensemble des artistes canadiens pourrait profiter du Droit de suite, trois groupes démographiques importants en seront les principaux bénéficiaires. Les artistes canadiens des Premières Nations se sont créé une niche très originale et une identité unique dans le marché de l’art international sans toutefois pouvoir bénéficier des profits réalisés par la revente de leurs œuvres. De nombreux artistes, surtout ceux qui vivent dans des communautés isolées, vendent à bas prix leurs œuvres à des intermédiaires. La valeur des œuvres peut grandement s’accroître lorsqu’elles atteignent le marché international. Le Droit de suite perçu par des sociétés de gestion ayant des ententes bilatérales avec les sociétés de gestion des pays où les œuvres sont revendues serait donc très avantageux pour les artistes autochtones.

    Les artistes établis, dont plusieurs sont âgés, pourraient aussi bénéficier du Droit de suite. On s’imagine souvent que les artistes connus sont à l’aise financièrement, mais CARFAC et le RAAV ont pu constater que même les artistes honorés par les Prix du Gouverneur général trouvent difficile, voire impossible, de tirer un revenu décent de leur travail artistique. L’adoption du Droit de suite au Canada pourrait accroître l’indépendance financière des artistes âgés en leur permettant de bénéficier d’une renommée qu’ils ont pris de nombreuses années à construire.

    Lorsque les œuvres d’artistes décédés seraient revendues dans les cinquante ans suivant leur mort, leurs héritiers pourraient en bénéficier. Les successions d’artistes ont souvent besoin de revenus pour couvrir les dépenses liées à l’administration des œuvres. Celles-ci doivent être inventoriées, entreposées et conservées ; on doit aussi les documenter…

  • Pourquoi CARFAC et le RAAV recommandent-elles l’inclusion du Droit de suite dans la Loi sur le droit d’auteur ?

    Plusieurs raisons militent en faveur de son intégration dans la Loi sur le Droit d’auteur .

    1. La durée proposée pour l’application du Droit de suite est la même que celle du droit d’auteur, soit la durée de vie de l’artiste plus cinquante ans. 
    2. Les œuvres couvertes par le Droit de suite sont du même type que les œuvres couvertes par la Loi sur le droit d’auteur.
    3. Les artistes et leurs héritiers sont les même pour le Droit de suite que pour les droits d’auteur.

    La Loi sur le droit d’auteur décrit les droits moraux en fonction de la reconnaissance légale du lien existant entre l’artiste et son œuvre. Ainsi, le droit de bénéficier du Droit de suite découlerait du droit à la paternité de l’œuvre, car il maintient le lien entre le créateur et son œuvre après la vente de l’œuvre physique.

    En ajoutant le Droit de suite à sa Loi sur le Droit d’auteur, le Canada s’alignerait sur la plupart des législations de propriété intellectuelle dans le monde. Alors que certains pays ont choisi d’en faire une loi particulière, au moins 22 des membres de l’Union européenne ont inclus le droit de suite dans leur législation sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle. Le Droit d’auteur est assujetti aux traités internationaux tels que la Convention de Berne et, afin de profiter de la réciprocité lorsque des œuvres sont revendues à l’extérieur du Canada, celui-ci doit d’abord adopter le Droit de suite.

  • Que recommandent CARFAC et le RAAV pour le Droit de suite au Canada ?

    Les législateurs ont besoin de recommandations formulées par des groupes d’intérêt afin de rédiger des lois efficaces. Le Projet de loi C-516 est conforme aux recommandations de CARFAC et du RAAV sur le Droit de suite.

  • Combien pourrais-je recevoir ?

    Le Projet de loi C-516 recommande que les artistes dont les œuvres sont revendues pour 1 000 $ ou plus soient admissibles à une redevance. La redevance recommandée serait de 5% du prix de vente de l’œuvre, avant la commission du vendeur et les taxes.  La gestion collective de ce droit serait obligatoire – la redevance ne pourrait être perçue que par l’entremise d’une société de gestion. Afin de pouvoir financer l’administration de ce droit, les sociétés peuvent déduire des frais administratifs des sommes versées par les vendeurs. La somme habituellement retenue se situe entre 10 et 20% de la redevance payée par le vendeur, mais cela peut varier selon les frais de gestion de la société.

  • Qui paie la redevance de Droit de suite ?

    Comme cela se fait dans la plupart des pays, les redevances de Droit de suite seraient payées par les professionnels du marché de l’art, tels que les galeries privées, les maisons de ventes aux enchères, en fait ceux dont la profession est d’acheter et de revendre des œuvres d’art. Les ventes privées entre individus en seraient exclues. La gestion collective obligatoire fait en sorte que le vendeur de l’œuvre paierait la redevance à la société de gestion qui aurait pour tâche de retracer l’artiste et de lui verser sa redevance.

  • Comment serai-je payé?

    Dans les pays où le Droit de suite est bien administré, il est géré par des sociétés de gestion au service des artistes en arts visuels. Les vendeurs font rapport de leurs ventes aux sociétés et celles-ci collectent les sommes dues aux artistes qu’elles représentent. Les redevances sont versées aux artistes par leur société de gestion. En ce qui concerne les artistes qui ne sont pas enregistrés auprès d’une société, l’une d’entre elles est chargée de localiser les artistes et de leur verser leurs redevances. Les sociétés de gestion sont affiliées à des sociétés d’autres pays, ce qui veut dire qu’elles représentent aussi les artistes de ces pays alors que les siens sont représentés par les sociétés de gestion étrangères. Les artistes reçoivent un rapport des œuvres qui ont été vendues, leurs redevances et un État de la rémunération payée (T5) pour leurs impôts. Tout ce qu’un artiste a à faire est de s’assurer que sa société de gestion a les bonnes coordonnées pour le rejoindre. Les vendeurs doivent faire rapport de leurs ventes et payer les redevances dues, mais les sociétés de gestion allègent leurs tâches en retraçant les artistes pour les payer directement.

  • Quelles œuvres d’art sont admissibles pour des redevances de Droit de suite ?

    Le Projet de loi C-516 recommande que les œuvres artistiques couvertes par la Loi sur le droit d’auteur soient admissibles sous réserve que :

    • les œuvres soient revendues à un prix de 1 000 $ et plus, sans compter la commission du vendeur et les taxes ;
    • les œuvres soient vendues dans le cadre du marché secondaire par des professionnels du marché de l’art.

    En d’autres mots, le Droit de suite ne s’applique pas sur les premières ventes ou les premiers transferts de propriété, comme les dons d’œuvres. Il ne s’applique pas sur les ventes privées entre individus. Il ne s’applique pas non plus si l’œuvre n’est pas protégée par le droit d’auteur, si elle est revendue à moins de 1 000 $, ou si elle est revendue dans un pays qui, soit n’a pas adopté le droit de suite, ou encore qui l’a adopté mais n’a pas mis en place un système efficace de réciprocité.

  • Combien coûte l’administration du droit de suite et qui paie pour cela ?

    En général, ce sont les artistes qui paient pour les frais de gestion du Droit de suite par une retenue sur les redevances perçues en leur nom par leur société de gestion. Les sociétés de gestion visent à couvrir leurs frais par une commission établie généralement entre 10 et 20%. Les sociétés déduisent en général leurs frais administratifs des redevances qu’elles perçoivent. Donc, si une œuvre est revendue dans le marché secondaire pour 5000 $ (excluant les commissions et les taxes), la redevance de Droit de suite payable de 5% serait de 250 $. La société pourrait retenir 20% de cette somme pour ses frais d’administration, soit 50 $. La redevance nette versée à l’artiste, le montant figurant sur son chèque, serait de 200 $. Si l’artiste provient d’un pays étranger admissible, sa société de gestion collective déduirait elle-aussi des frais administratifs.

    Les frais administratifs sont la principale source de revenu des sociétés de gestion, elles ne reçoivent pas de subvention de fonctionnement. Dans leurs frais de gestion sont inclus, entre autres, des salaires, des dépenses de bureau, de services de comptabilité, de communication, de consultation légale, d’informatique et des frais d’adhésion à des associations internationales. Leur but est de servir les artistes affiliés, de défendre leurs droits et de percevoir leurs redevances pour les avantager financièrement. Les sociétés de gestion sont encouragées par leurs pairs et leurs adhérents à administrer les droits de façon transparente. Les associations internationales établissent des normes relatives aux activités des sociétés de gestion et le respect de ces normes est obligatoire pour en faire partie.

    Du côté du vendeur, celui-ci peut simplement payer la redevance à partir du profit réalisé par sa vente, ou encore l’ajouter au prix de vente pour que l’acheteur la paie comme ils le feraient pour une commission au vendeur ou pour les taxes.

  • Quelle société de gestion CARFAC et le RAAV recommandent-elles pour l’administration du Droit de suite au Canada ?

    CARFAC et le RAAV recommandent que CARCC – Droits d’auteur Arts visuels soit la société chargée d’administrer le Droit de suite pour tous les artistes vivants et les successions au Canada, sauf pour ceux qui sont représentés par la SODRAC.

  • Si Droits d’auteur Arts visuels - CARCC perçoit mes redevances de Droit de suite, est-ce qu’elle possèdera mes droits d’auteur ?

    Vous enregistrer auprès d’une société de gestion pour votre Droit de suite n’affecte pas vos autres droits d’auteur. Comme le Droit de suite ne serait pas transférable, vous ne pouvez le céder à personne y compris une société de gestion. Néanmoins, la loi requerra que la gestion du Droit de suite soit collective parce que cela sera plus efficace et moins cher à administrer. Vous aurez à choisir la société de gestion auprès de laquelle vous vous enregistrerez afin de percevoir toute redevance que l’on pourrait vous devoir.

    Si vous ne vous enregistrez pas les redevance seront collectées par une société de gestion et conservées pour vous durant une période raisonnable tant que la société ne vous aura pas retrouvé.

  • Comment puis-je m’enregistrer pour le Droit de suite ?

    Vous pouvez vous enregistrer pour le Droit de suite dès maintenant en vous connectant au site de CARCC – Droits d’auteur Arts visuels et en sélectionnant Associé, ou encore en contactant CARCC – Droits d’auteur Arts visuels. En vous enregistrant comme Associé vous ne devenez pas automatiquement membre de Droits d’auteur Arts visuels et vous continuez à administrer vos autres droits d’auteur vous-même.

    Si vous désirez devenir Membre et profiter de tous les services de gestion qu’offre Droits d’auteur Arts visuels, connectez-vous au site de CARCC – Droits d’auteur Arts visuels et sélectionnez Membre, ou encore contactez CARCC – Droits d’auteur Arts visuels.

  • Est-ce que le Droit de suite ne bénéficiera pas qu’à quelques riches héritiers d’artistes de grand renom ?

    Non. Même si le Droit de suite a été initialement créé pour venir en aide aux familles nécessiteuses d’artistes décédés, la plupart des pays ont mis à jour leur législation depuis 2001 afin que les artistes vivants en profitent mieux, spécialement ceux dont les revenus sont les moins élevés. C’est pour cette raison que CARFAC et le RAAV recommandent que le prix de revente minimum soit de 500 $ afin que plus d’artistes puissent en bénéficier – et pas seulement ceux dont les œuvres se vendent très cher.

  • Le Droit de suite ne chassera-t-il pas le marché vers les endroits où il n’existe pas ?

    Cela ne s’est jamais produit dans les pays où est appliqué le Droit de suite, incluant le Royaume Uni où se situe le plus important marché de l’art en Europe. Les redevances sont trop minimes pour inciter les vendeurs à se relocaliser ailleurs pour éviter de les payer. D’autres considérations financières influencent la décision de choisir un endroit où vendre ou acheter une œuvre d’art. De plus, les commissions perçues par les professionnels du marché de l’art sont beaucoup plus élevées.

  • Est-ce que le Droit de suite s’appliquera à toutes les ventes d’œuvres d’art ?

    Non. Ce droit ne s’applique que sur les ventes du marché secondaire et sur des œuvres protégées par le droit d’auteur. Il ne s’appliquerait ni sur les premières ventes ni sur les ventes faites entre particuliers. Il ne s’appliquerait pas sur les œuvres non protégées par le droit d’auteur.  Il ne s’appliquerait pas sur les œuvres qui se seraient vendues en bas de 1 000 $. Il ne s’appliquerait pas non plus dans un pays qui n’a pas adopté le Droit de suite, ni pour des artistes venant de ces pays.

  • Qu’arrivera-t-il à mon Droit de suite après mon décès ?

    Si, tel que recommandé dans le Projet de loi C-516, le Droit de suite devient un droit d’auteur, il s’appliquera jusqu’à 50 ans après votre décès. Cela permettra à vos héritiers d’en bénéficier pour les aider à gérer votre succession. Vous pourrez léguer votre Droit de suite comme vos autres droits d’auteur, donc il serait bon de l’inclure dans votre testament.

Janice Seline

Traduction de Christian Bédard
Octobre 2013
La recherche et la rédaction de cet article ont été généreusement soutenues par l’Access Copyright Foundation.